Articles de presse Lisa Gerrard » 1998
 
Lisa Gerrard And Pieter Bourke » Duality Interview
Lisa Gerrard Premonition n? 29
 
Le terme "Duality" caractÈrise-t-il la relation qui vous a unis musicalement tous les deux?
Pieter : Pour moi, ce terme peut Ítre interprÈtÈ selon deux aspects: premiËrement, la relation particuliËre qui s'est Ètablie entre Lisa et moi pendant la crÈation de cet album, o? nos deux personnalitÈs ont fusionnÈ. L'autre sens est la dualitÈ de la vie, les expÈriences vÈcues pendant l'enregistrement du disque, extÈrieures ‡ l'espace de notre travail qui, si elles Ètaient nÈgatives, se transformaient en expÈriences positives en studio.

Lisa: Nous nous sommes trËs bien accordÈs et trËs bien complÈtÈs car ce dont je manquais, Peter le possÈdait et inversement. Nous Ètions capables de travailler telle une seule entitÈ. Mais il existe Ègalement une dualitÈ entre le cÙtÈ physique et le cÙtÈ ÈthÈrÈ de notre Ășuvre. Si je vous donne un morceau de musique et que vous l'Ècoutez, cela vous inspire des Èmotions qui vous sont propres sur la base d'une crÈation qui, ‡ l'origine, m'appartient. C'est la musique qui sert de pont entre ces deux rÈalitÈs. Le titre "Duality" est donc une description du processus de crÈation et de son rÈsultat qui, lui-mÍme, relie les deux crÈateurs. C'est un mot qui est trËs riche de sens.

Lisa, ta relation de travail avec Pieter est elle diffÈrente de celle entretenue avec Brendan?
Lisa: Oui, trËs. Je travaille avec Brendan depuis presque vingt ans et c'est une vieille, vieille, vieille histoire entre nous, faite de drames et de passion. Le cÙtÈ physique de cette relation n'existait pratiquement pas. Nous faisions juste en sorte que notre travail passe d'une dimension ‡ une autre. La comprÈhension entre nous Ètait trËs simple, nous Ètions juste ensemble pour travailler. Nous permettions simplement ‡ notre Ășuvre d'exister tout en ayant pour elle une merveilleuse vÈnÈration et un formidable abandon, pour lui permettre de s'accomplir avec le plus de douceur possible. Mais Brendan est trËs complexe, il intellectualise beaucoup. Il est trËs difficile de travailler dans ce genre de situation avec une autre personne, car vous devez essayer de comprendre sa psychologie et ce qu'il veut faire, alors qu'avec Pieter, une idÈe commune devient lentement, fragment par fragment, un morceau de musique. Il n'y a pas eu de restriction ni de rËgle, il n'y avait pas de "je veux ceci", "je ne veux pas cela". Brendan ne peut pas me contrÙler et cela lui pose des problËmes. Il est trËs disciplinÈ, il a une vision globale de ce qu'il veut faire, une vision trËs cinÈmatographique. Il est trËs critique, ce qui rend les choses difficiles, car vous vous dites au moment o? vous Ítes en train de crÈer qu'il ne va pas aimer. Cela entraÓne un blocage qui n'a jamais eu lieu entre Pieter et moi. Ce qui est incroyable avec ce projet, est cette merveilleuse expÈrience d'humilitÈ et de cÈlÈbration, une cÈlÈbration du travail de Pieter

Chacun a-t-il apportÈ ses propres morceaux ou avez-vous improvisÈ?
Lisa: Tout est improvisÈ. Au dÈpart, j'ai invitÈ Pieter ‡ s'occuper du son, de la production et ‡ jouer quelques percussions sur certains de mes morceaux C'est comme cela que notre relation a commencÈ ‡ fleurir. Pieter : Nous nous sommes trËs bien entendus. Nous avons commencÈ ‡ improviser et il en est sorti une si belle Ènergie que nous sommes allÈs plus loin.
Lisa: Lentement, il est apparu que nous avions un potentiel suffisant pour crÈer ensemble. Alors, nous avons persÈvÈrÈ et ce fut une expÈrience entiËrement basÈe sur la surprise. Le titre The unfolding, du fait de son architecture -notamment la premiËre partie vocale-, a ÈtÈ construit de faÁon plutÙt aride et laborieuse. Quand nous avons ÈcoutÈ le rÈsultat, c'Ètait stupÈfiant! Une chose Ètonnante se passait, car nous avons rÈalisÈ qu'une merveilleuse fleur s'Ètait Èpanouie Pendant tout le processus d'Èlaboration du morceau, nous n'avions pas rÈalisÈ comme il Ètait beau. Votre musique semble devenue plus positive. Lisa: Absolument! Plus positive, trËs sensuelle et Èvocatrice... Pieter : C'est le reflet de la relation que nous avons eue pendant la crÈation de l'album. Dans les autres projets auxquels j'ai participÈ, il y avait souvent des problËmes d'ego. L‡, nous sommes restÈs trËs humbles et avons ÈvitÈ tout conflit. Il y avait juste le dÈsir de prendre les idÈes de l'autre et de les mener aussi loin que possible.
Vous semblez balancer entre des titres basÈs sur le rythme et d'autres, construits sur la mÈlodie vocale. Qu'est-ce qui vous satisfait le plus?
Lisa: Je ne sais pas. La satisfaction n'est pas le mot que j'utiliserais... Je ne me demande pas si tel morceau va satisfaire quelqu'un ou pas. Nous savons quand nous sommes arrivÈs au terme d'un morceau, qu'il ne nous est plus possible de l'amÈliorer. Et quand quelque chose est fini, ce n'est pas "satisfaisant", c'est plutÙt que l'on ne peut plus l'enjoliver ou qu'il n'est pas nÈcessaire de l'enjoliver davantage. La satisfaction, ‡ mon sens, est d'Ítre rassasiÈe.

Mais est-ce que le morceau correspond toujours ‡ ce que tu voulais faire ressentir?
Lisa: Parfois, tu ne connais pas la nature des sentiments que tu procures. Tu donnes, simplement. C'est comme le four, qui en chauffant la farine, crÈe le pain. Un climat de diffÈrentes Ènergies et activitÈs qui se mettent en place et crÈent le complexe contrepoint qui fait la musique. Cela, tu ne le sens pas.

Voyez-vous la musique comme une sorte de thÈrapie?
Lisa: Dans un sens oui, mais pas dans le sens psychiatrique du terme. Je ne pourrais pas vivre sans musique. Je pense que la vie serait terrible, trop dÈprimante.

Quand retravaillerez-vous pour Dead Can Dance?
Lisa: Probablement cette annÈe.
Pieter : Pour la premiËre fois, je participerai aussi ‡ l'Ècriture.

Entretien ñ Yannick Blay ñ Photos ñ StÈphane Burlot
PrÈmonition n?29 ñ Juin 1998