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Le terme "Duality" caractĂrise-t-il la relation qui vous a unis musicalement tous les deux? Pieter : Pour moi, ce terme peut Ătre interprĂtĂ selon deux aspects: premiĂrement, la relation particuliĂre qui s'est Ătablie entre Lisa et moi pendant la crĂation de cet album, o? nos deux personnalitĂs ont fusionnĂ. L'autre sens est la dualitĂ de la vie, les expĂriences vĂcues pendant l'enregistrement du disque, extĂrieures ⥠l'espace de notre travail qui, si elles Ătaient nĂgatives, se transformaient en expĂriences positives en studio. Lisa: Nous nous sommes trĂs bien accordĂs et trĂs bien complĂtĂs car ce dont je manquais, Peter le possĂdait et inversement. Nous Ătions capables de travailler telle une seule entitĂ. Mais il existe Ăgalement une dualitĂ entre le cĂtĂ physique et le cĂtĂ ĂthĂrĂ de notre Ășuvre. Si je vous donne un morceau de musique et que vous l'Ăcoutez, cela vous inspire des Ămotions qui vous sont propres sur la base d'une crĂation qui, ⥠l'origine, m'appartient. C'est la musique qui sert de pont entre ces deux rĂalitĂs. Le titre "Duality" est donc une description du processus de crĂation et de son rĂsultat qui, lui-mĂme, relie les deux crĂateurs. C'est un mot qui est trĂs riche de sens. Lisa, ta relation de travail avec Pieter est elle diffĂrente de celle entretenue avec Brendan? Lisa: Oui, trĂs. Je travaille avec Brendan depuis presque vingt ans et c'est une vieille, vieille, vieille histoire entre nous, faite de drames et de passion. Le cĂtĂ physique de cette relation n'existait pratiquement pas. Nous faisions juste en sorte que notre travail passe d'une dimension ⥠une autre. La comprĂhension entre nous Ătait trĂs simple, nous Ătions juste ensemble pour travailler. Nous permettions simplement ⥠notre Ășuvre d'exister tout en ayant pour elle une merveilleuse vĂnĂration et un formidable abandon, pour lui permettre de s'accomplir avec le plus de douceur possible. Mais Brendan est trĂs complexe, il intellectualise beaucoup. Il est trĂs difficile de travailler dans ce genre de situation avec une autre personne, car vous devez essayer de comprendre sa psychologie et ce qu'il veut faire, alors qu'avec Pieter, une idĂe commune devient lentement, fragment par fragment, un morceau de musique. Il n'y a pas eu de restriction ni de rĂgle, il n'y avait pas de "je veux ceci", "je ne veux pas cela". Brendan ne peut pas me contrĂler et cela lui pose des problĂmes. Il est trĂs disciplinĂ, il a une vision globale de ce qu'il veut faire, une vision trĂs cinĂmatographique. Il est trĂs critique, ce qui rend les choses difficiles, car vous vous dites au moment o? vous Ătes en train de crĂer qu'il ne va pas aimer. Cela entraĂne un blocage qui n'a jamais eu lieu entre Pieter et moi. Ce qui est incroyable avec ce projet, est cette merveilleuse expĂrience d'humilitĂ et de cĂlĂbration, une cĂlĂbration du travail de Pieter Chacun a-t-il apportĂ ses propres morceaux ou avez-vous improvisĂ? Lisa: Tout est improvisĂ. Au dĂpart, j'ai invitĂ Pieter ⥠s'occuper du son, de la production et ⥠jouer quelques percussions sur certains de mes morceaux C'est comme cela que notre relation a commencà ⥠fleurir. Pieter : Nous nous sommes trĂs bien entendus. Nous avons commencà ⥠improviser et il en est sorti une si belle Ănergie que nous sommes allĂs plus loin. Lisa: Lentement, il est apparu que nous avions un potentiel suffisant pour crĂer ensemble. Alors, nous avons persĂvĂrĂ et ce fut une expĂrience entiĂrement basĂe sur la surprise. Le titre The unfolding, du fait de son architecture -notamment la premiĂre partie vocale-, a ĂtĂ construit de faĂon plutĂt aride et laborieuse. Quand nous avons ĂcoutĂ le rĂsultat, c'Ătait stupĂfiant! Une chose Ătonnante se passait, car nous avons rĂalisĂ qu'une merveilleuse fleur s'Ătait Ăpanouie Pendant tout le processus d'Ălaboration du morceau, nous n'avions pas rĂalisĂ comme il Ătait beau. Votre musique semble devenue plus positive. Lisa: Absolument! Plus positive, trĂs sensuelle et Ăvocatrice... Pieter : C'est le reflet de la relation que nous avons eue pendant la crĂation de l'album. Dans les autres projets auxquels j'ai participĂ, il y avait souvent des problĂmes d'ego. LâĄ, nous sommes restĂs trĂs humbles et avons ĂvitĂ tout conflit. Il y avait juste le dĂsir de prendre les idĂes de l'autre et de les mener aussi loin que possible. Vous semblez balancer entre des titres basĂs sur le rythme et d'autres, construits sur la mĂlodie vocale. Qu'est-ce qui vous satisfait le plus? Lisa: Je ne sais pas. La satisfaction n'est pas le mot que j'utiliserais... Je ne me demande pas si tel morceau va satisfaire quelqu'un ou pas. Nous savons quand nous sommes arrivĂs au terme d'un morceau, qu'il ne nous est plus possible de l'amĂliorer. Et quand quelque chose est fini, ce n'est pas "satisfaisant", c'est plutĂt que l'on ne peut plus l'enjoliver ou qu'il n'est pas nĂcessaire de l'enjoliver davantage. La satisfaction, ⥠mon sens, est d'Ătre rassasiĂe. Mais est-ce que le morceau correspond toujours ⥠ce que tu voulais faire ressentir? Lisa: Parfois, tu ne connais pas la nature des sentiments que tu procures. Tu donnes, simplement. C'est comme le four, qui en chauffant la farine, crĂe le pain. Un climat de diffĂrentes Ănergies et activitĂs qui se mettent en place et crĂent le complexe contrepoint qui fait la musique. Cela, tu ne le sens pas. Voyez-vous la musique comme une sorte de thĂrapie? Lisa: Dans un sens oui, mais pas dans le sens psychiatrique du terme. Je ne pourrais pas vivre sans musique. Je pense que la vie serait terrible, trop dĂprimante. Quand retravaillerez-vous pour Dead Can Dance? Lisa: Probablement cette annĂe. Pieter : Pour la premiĂre fois, je participerai aussi ⥠l'Ăcriture. Entretien ñ Yannick Blay ñ Photos ñ StĂphane Burlot
PrĂmonition n?29 ñ Juin 1998 |